Contes philosophiques

18 novembre 2011

Voici quelques contes dits « philosophiques » pour alimenter nos thèmes de réflexion..

Astuce : Si au cours d’un repas de famille ou d’un réveillon entre amis, les esprits s’échauffent autour d’un débat houleux, glissez candidement une de ces fables dans la discussion… Sagesse !

Arnaque financière

Histoire simple pour expliquer comment la finance
arnaque les particuliers, les entreprises et les États

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Un homme portant costume et cravate se présente un jour dans un village.

Monté sur une caisse, il crie à qui voulait l’entendre qu’il achète cash, 100 euros l’unité, tous les ânes qu’on lui propose.
Les paysans le trouvent bien un peu étrange mais son prix est très intéressant et ceux qui concluent avec lui repartent le portefeuille rebondi, la mine réjouie.

Il revient le lendemain et offre cette fois 150 € par tête et là encore une grande partie des habitants lui vendent leurs bêtes.

Les jours suivants, il offre 300 € et ceux qui ne l’ont pas encore fait vendent les derniers ânes existants. Sachant qu’il n’en reste plus du tout, il dit qu’il en cherche d’autres et revient dans huit jours acheter des ânes à 500 €.

Le lendemain, il confie à son associé le troupeau qu’il venait d’acheter et l’envoya dans ce même village avec ordre de revendre chaque âne à 400 €. Face à la possibilité de faire un bénéfice de 100 € dès la semaine suivante, tous les villageois rachètent leurs ânes quatre fois le prix qu’ils les ont vendus et pour ce faire, tous empruntent !

Les deux hommes d’affaire ayant gagné suffisamment d’argent en revendant les ânes ne reviennent pas ; et tous les villageois se retrouvent avec des ânes sans valeur, endettés jusqu’au cou, ruinés.

Les malheureux tentent vainement de les revendre pour rembourser leurs emprunts. Le cours de l’âne s’effondre. Les animaux sont saisis puis loués à leurs précédents propriétaires par le banquier. En plus celui-ci explique au maire que s’il ne rentre pas dans ses fonds, il est ruiné lui aussi et doit exiger le remboursement immédiat de tous les prêts par ailleurs accordés à la commune.

Pour éviter ce désastre, le Maire, au lieu de donner de l’argent aux habitants du village pour qu’ils paient leurs dettes, le donne au banquier. Or celui-ci, après avoir rétabli sa trésorerie, ne fait pas pour autant un trait sur les dettes des villageois ni sur celles de la commune et tous se trouvent proches du surendettement.

Voyant sa capacité de remboursement dégradée et pris à la gorge par les taux d’intérêts, la commune demanda l’aide des communes voisines, mais ces dernières lui répondent qu’elles ne pouvaient en aucun cas l’aider car elles connaissent les mêmes difficultés.

Sur les conseils avisés et désintéressés du banquier, toutes décident de réduire leurs dépenses : moins d’argent pour les écoles, pour les programmes sociaux, la voirie, la police municipale… On repousse l’âge de départ à la retraite, on supprime des postes d’employés communaux, on baisse les salaires et parallèlement on augmente les impôts.

C’était, dit-on, inévitable…

Mais on promet de moraliser ce scandaleux commerce des ânes.

Cette histoire n’est toutefois pas finie car on ignore ce que firent les villageois.

Et vous, qu’auriez-vous fait à leur place ?

Que faites-vous pour l’endettement actuel ? Le vôtre, celui des entreprises, celui de l’État ? Tous les trois victimes de l’escroquerie des financiers.

Source : Intelligence verte

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.LA GRENOUILLE CHAUFFÉE

Petit conte d’Olivier CLERC, écrivain et philosophe

dessin de jean pierre Petit

Imaginez une marmite remplie d’eau froide dans laquelle nage tranquillement une grenouille. Le feu est allumé sous la marmite, l’eau chauffe doucement. Elle est bientôt tiède.

La grenouille trouve cela plutôt agréable et continue à nager.
La température continue à grimper.
L’eau est maintenant chaude.

C’est un peu plus que n’apprécie la grenouille, ça la fatigue un peu, mais elle ne s’affole pas pour autant.

L’eau est cette fois vraiment chaude. La grenouille commence à trouver cela désagréable, mais elle s’est affaiblie, alors elle supporte et ne fait rien.

La température continue à monter jusqu’au moment où la grenouille va tout simplement finir par cuire et mourir.

Si la même grenouille avait été plongée directement dans l’eau à 50°, elle aurait immédiatement donné le coup de patte adéquat qui l’aurait éjectée aussitôt de la marmite.

Sommes-nous TOUS des GRENOUILLES CHAUFFÉES ???

Cette expérience montre que, lorsqu’un changement s’effectue d’une manière suffisamment lente, il échappe à la conscience et ne suscite la plupart du temps aucune réaction, aucune opposition, aucune révolte.

Si nous regardons ce qui se passe dans notre société depuis quelques décennies, nous subissons une lente dérive à laquelle nous nous habituons.

Des tas de choses qui nous auraient horrifiés il y a 20, 30 ou 40 ans, ont été peu à peu banalisées, édulcorées, et nous dérangent mollement à ce jour, ou laissent carrément indifférents la plupart des gens.

AU NOM DU PROGRÈS et de la science, les pires atteintes aux libertés individuelles, à la dignité du vivant, à l’intégrité de la nature, à la beauté et au bonheur de vivre, s’effectuent lentement et inexorablement avec la complicité constante des victimes, ignorantes ou démunies.

Les noirs tableaux annoncés pour l’avenir, au lieu de susciter des réactions et des mesures préventives, ne font que préparer psychologiquement le peuple à accepter des conditions de vie décadentes, voire DRAMATIQUES.

Le GAVAGE PERMANENT d’informations de la part des médias sature les cerveaux qui n’arrivent plus à faire la part des choses…

Lorsque j’ai annoncé ces choses pour la première fois, c’était pour demain. Là, C’EST POUR AUJOURD’HUI.

Alors si vous n’êtes pas, comme la grenouille,
déjà à moitié cuits,
donnez le coup de patte salutaire
avant qu’il ne soit trop tard.

Voir aussi :

MATIN BRUN/livre, audio, théâtre
https://meyrolian.wordpress.com/2010/10/20/matin-brunlivre-audio-theatre/

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Le PÉCHEUR MEXICAIN

Pour en finir une bonne fois pour toutes
avec le syndrome du « toujours plus »…

(Source Blog Bernard Lamailloux)

Au bord de l’eau dans un petit village côtier mexicain, un bateau rentre au port, ramenant plusieurs thons. L’Américain complimente le pêcheur mexicain sur la qualité de ses poissons et lui demande combien de temps il lui a fallu pour les capturer :

 » Pas très longtemps « , répond le Mexicain.

 » Mais alors, pourquoi n’êtes-vous pas resté en mer plus longtemps pour en attraper plus?  » demande l’Américain. Le Mexicain répond que ces quelques poissons suffiront à subvenir aux besoins de sa famille.

L’Américain demande alors :  » Mais que faites-vous le reste du temps? « 

 » Je fais la grasse matinée, je pêche un peu, je joue avec mes enfants, je fais la sieste avec ma femme. Le soir, je vais au village voir mes amis. Nous buvons du vin et jouons de la guitare. J’ai une vie bien remplie « .

L’Américain l’interrompt :  » J’ai un MBA de l’université de Harvard et je peux vous aider. Vous devriez commencer par pêcher plus longtemps. Avec les bénéfices dégagés, vous pourriez acheter un plus gros bateau. Avec l’argent que vous rapporterait ce bateau, vous pourriez en acheter un deuxième et ainsi de suite jusqu’à ce que vous possédiez une flotte de chalutiers. Au lieu de vendre vos poissons à un intermédiaire, vous pourriez négocier directement avec l’usine, et même ouvrir votre propre usine. Vous pourriez alors quitter votre petit village pour Mexico City, Los Angeles, puis peut-être New York, d’où vous dirigeriez toutes vos affaires. « 

Le Mexicain demande alors :  » Combien de temps cela prendrait-il? « 

 » 15 à 20 ans « , répond le banquier américain.

 » Et après? « 

 » Après, c’est là que ça devient intéressant « , répond l’Américain en riant.

 » Quand le moment sera venu, vous pourrez introduire votre société en bourse et vous gagnerez des millions « .

 » Des millions? Mais après ?  »

 » Après, vous pourrez prendre votre retraite, habiter dans un petit village côtier, faire la grasse matinée, jouer avec vos petits-enfants, pêcher un peu, faire la sieste avec votre femme et passer vos soirées à boire et à jouer de la guitare avec vos amis. « 

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Ce court dialogue humoristique entre un simple pêcheur mexicain et un financier américain nous révèle tout le sens de la vie en quelques lignes.

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Le gros capitaliste

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DANS un petit village indien de l’Etat d’Oaxaca apparut un beau jour un Américain soucieux d’étudier le pays et les gens.

En fouinant à droite et à gauche, il se retrouva devant la hutte d’un petit paysan indien qui profitait du temps libre que lui laissait la culture de son champ de maïs pour augmenter son modeste revenu en tressant de petits paniers.

Ces petits paniers étaient faits de fibres de sisal que l’Indien colorait de teintures que lui fournissaient diverses plantes et écorces dont il les extrayait.

Cet homme avait un tel talent pour tisser les brins de fibres multicolores qu’une fois achevé, le petit panier paraissait constellé de personnages, de motifs, de fleurs et d’animaux. Même sans être versé dans cet art, on pouvait voir que ces paniers n’étaient pas peints mais que leurs motifs étaient savamment entrelacés dans leur texture même : il suffisait de regarder à l’intérieur pour constater que ces décorations se retrouvaient à la même place sur leur surface externe. On pouvait s’en servir comme corbeilles à couture ou comme objets d’ornement.

Chaque fois que l’Indien avait confectionné une vingtaine de ces petits chefs-d’œuvre et qu’il pouvait quitter son champ pour la journée, il se levait à deux heures du matin pour se rendre à la ville où il allait les vendre au marché. La taxe pour avoir une place sur le marché lui coûtait dix centavos.

Quoiqu’il passât plusieurs jours à travailler sur chacun de ses petits paniers, il n’en réclamait que cinquante centavos. Mais quand un acheteur lui reprochait d’être beaucoup trop cher et se mettait à marchander, l’Indien descendait à trente-cinq, à trente et jusqu’à vingt-cinq centavos, sans savoir que c’est là le lot de la plupart des artistes.

Il arrivait assez souvent que l’Indien ne puisse pas vendre tous les petits paniers qu’il avait apportés au marché ; car beaucoup de Mexicains se croient obligés de souligner le fait qu’ils sont civilisés et préfèrent de loin acheter un objet manufacturé qu’on produit à vingt mille exemplaires par jour mais qui porte l’estampille de Paris, de Vienne ou d’un atelier d’art de Dresde au lieu de savoir apprécier dans toute son originalité le travail d’un Indien de leur propre pays, qui n’en faisait pas deux qui fussent identiques.

Quand donc l’Indien n’avait pas réussi à vendre tous ses paniers, il allait les proposer de porte en porte où l’accueil qu’on lui réservait était empreint, selon les cas, de brusquerie, d’indifférence, de mépris ou d’ennui, traitement habituel envers les colporteurs, les représentants en livres ou en cadres.

L’Indien le supportait comme tous les artistes, seuls à être conscients de la valeur de leur travail, supportent pareils traitements. Il ne s’en formalisait pas et le prenait sans tristesse, sans aigreur et sans irritation.

Lors de cette tournée de porte en porte, on ne lui offrait souvent que vingt, voire même quinze ou dix centavos du panier. Et lorsqu’il lui arrivait d’en céder pour cette misère, c’est fréquemment que, sous ses yeux, la femme prenait le petit panier, y jetait à peine un coup d’œil, et le jetait négligemment sur la première table avec l’air de dire : « C’est bien de l’argent jeté par les fenêtres, mais bon, je vais faire gagner quelques sous au pauvre Indien qui a fait une si longue route. D’où es-tu donc ?

– Ah, de Tlacotepec. Ecoute, ne pourrais-tu pas m’apporter deux ou trois dindes ? Mais il faudra qu’elles soient bien grasses et très bon marché, sinon je ne te les prendrai pas. »

Mais les Américains ne sont, à propos de petites merveilles de ce genre, pas aussi difficiles que les Mexicains qui, à quelques exceptions près, ne savent pas apprécier ce qu’ils ont sous la main dans leur pays. Même si l’Américain moyen est inapte à évaluer l’incomparable beauté de tels ouvrages, il ne manque pas de s’apercevoir immédiatement qu’il s’agit là d’art populaire et il est d’autant plus vite porté à l’identifier et l’apprécier qu’il n’existe pas chez eux.

Accroupi sur le sol devant sa hutte, l’Indien tressait ses petits paniers.

L’Américain lui demanda : « Combien coûte un panier, l’ami ?

– Cinquante centavos, señor, répondit l’Indien.

– Bon, j’en achète un, je connais quelqu’un à qui ça fera plaisir. »

Il s’était attendu à ce que le panier coûtât deux pesos. Lorsqu’il eut pleinement pris conscience de cela, il pensa aussitôt aux affaires. Il questionna l’Indien : « Si maintenant je vous achetais dix de ces petits paniers, à combien me les feriez-vous pièce ? »

L’autre réfléchit un moment et dit : « La pièce vous coûterait alors quarante-cinq centavos.

– All right, muy bien, et si j’en achetais cent, combien la pièce ? »

De nouveau, l’Indien prit un moment pour faire ses calculs : « La pièce vous coûterait alors quarante centavos. »

L’Américain acheta quatorze paniers, tout ce que l’Indien avait en stock.

Lorsque l’Américain fut convaincu d’avoir vu le Mexique et de connaître dans les moindres détails tout ce qui était digne d’intérêt à propos du pays et des Mexicains, il regagna New York. Puis, retourné à ses affaires, il repensa aux petits paniers.

Il se rendit chez un grand négociant en confiserie en lui disant : « Je suis en mesure de vous fournir en petits paniers de cette sorte. Regardez quel emballage cadeau des plus originaux cela ferait pour présenter vos chocolats de luxe. »

Le confiseur examina le panier avec la plus grande compétence. Il appela son associé, puis finalement son gérant aussi. Après avoir conféré, le confiseur déclara : « Je vous dirai demain le prix que je suis disposé à en donner. A moins que vous ne m’indiquiez le vôtre ?

– Je vous ai déjà dit que je ne me réglerai que sur votre offre, si vous êtes preneur. Je vendrai ces paniers en exclusivité à la maison qui m’en offrira le plus. »

Le lendemain, l’expert en objets mexicains revint voir le confiseur, qui lui confia : « Je pourrais tirer quatre, peut-être même cinq dollars d’un panier de bonbons au chocolat des plus fins. C’est l’emballage le plus joli et le plus original qu’on puisse présenter sur le marché. Je vous en offre deux dollars et demi pièce, fret et douane pour la marchandise rendue au port de New York à ma charge, expédition à la vôtre. »

Le voyageur de retour du Mexique se fit ses calculs. L’Indien lui avait fait une offre de vente à quarante centavos pièce s’il lui en prenait cent. Quarante centavos, cela faisait vingt cents. Il revendait le panier à deux dollars et demi. Il y gagnait deux dollars trente cents pièce, soit à peu près mille deux cents pour cent.

« Je pense que je peux le faire à ce prix-là », dit-il.

Sur quoi le confiseur répondit : « Mais à une condition. Il faut que vous nous livriez au moins dix mille de ces petits paniers. A moins, le jeu n’en vaudrait pas la chandelle, car la réclame que j’aurai à faire pour cette nouveauté ne se justifierait plus. Et sans réclame, je ne saurais en tirer ce prix-là.

– D’accord », opina l’expert en objets mexicains. Il venait de gagner vingt-quatre mille dollars, revenu dont il n’avait à soustraire que le coût du voyage et du transport jusqu’à la première gare de chemin de fer.

Il partit aussitôt pour le Mexique et alla trouver son Indien.

« Je vous amène une fameuse affaire, dit-il. Pensez-vous pouvoir me fabriquer dix mille de ces petits paniers ?
– Bien sûr. Autant que vous voudrez. Il me faudra pas mal de temps, évidemment. Il faut consacrer beaucoup d’attention au traitement des fibres, ça prend du temps. Mais je peux faire autant de paniers que vous en désirerez. »

L’Américain s’était attendu à voir l’Indien devenir fou de joie en apprenant la grosse affaire qu’il lui proposait, à peu près comme un marchand de voitures américain devant une commande de cinquante Dodge Brothers d’un coup. Mais l’Indien ne s’émut pas. Il n’interrompit même pas son travail. Il continua de tresser tranquillement le panier qu’il avait entre les mains.

On pouvait peut-être gagner cinq cents dollars de plus, ce qui couvrirait les frais du voyage, pensa l’Américain ; car pour un si gros contrat, le prix du petit panier à l’unité pourrait sûrement faire l’objet d’un rabais supplémentaire.

« Vous m’avez dit que vous pourriez me vendre le panier quarante centavos pièce si je vous en commandais cent, avança-t-il.

– Oui, c’est bien ce que j’ai dit, confirma l’Indien. Ce que j’ai dit reste valable.

– Bien, poursuivit l’Américain, mais vous ne m’avez pas dit à combien vous me feriez le panier si je vous en commandais mille.

– Vous ne me l’avez pas demandé, señor.

– C’est vrai. Mais maintenant, j’aimerais savoir à combien vous me les feriez pièce si je vous en commande mille et si je vous en commande dix mille. »

L’Indien interrompit alors son travail, pour tâcher de calculer. Au bout d’un moment, il dit : « C’est trop, je ne peux pas calculer ça aussi vite. Il faut d’abord que j’y réfléchisse à tête reposée. Je vais dormir là-dessus et demain je vous dirai. »

L’Américain revint voir l’Indien le lendemain pour prendre connaissance de sa proposition.

« Avez-vous calculé le prix pour mille et pour dix mille paniers ?

– Oui, señor. Mais cela m’a coûté beaucoup de peine et de souci, pour être sûr, en calculant le plus justement possible, de ne pas vous tromper. Si j’avais à faire mille pièces, le prix serait de deux pesos pièce, et si j’avais à en faire dix mille, la pièce reviendrait à quatre pesos. »

L’Américain était persuadé d’avoir mal entendu. Il pensa que sa mauvaise connaissance de l’espagnol lui jouait un mauvais tour. Pour conjurer l’erreur, il demanda : « Deux pesos pièce pour mille et quatre pesos pour dix mille ? Vous m’avez pourtant bien dit que si j’en achetais cent, ce serait quarante centavos pièce ?

– C’est la vérité. Je vous en vendrais cent à quarante centavos pièce. »

L’Indien parlait calmement, car il avait pesé tous les aspects du problème et il n’y avait pas de raison de se disputer.

« Señor, vous allez vous-même comprendre que mille demandent beaucoup plus de travail que cent, et que dix mille encore beaucoup plus de travail que mille. Voilà à coup sûr qui est clair pour tout homme raisonnable.

Pour mille paniers j’aurai besoin de beaucoup plus de sisal, il me faudra chercher beaucoup plus longtemps pour trouver les teintures et les faire en décoctions. Il ne s’agit pas de fibres quelconques. Ensuite, on doit les faire sécher avec soin.

Et puis, si je dois faire tant de paniers, qu’adviendra-t-il de mon champ de maïs et de mes bêtes ?

De plus, pour en tresser autant, il me faudra demander l’aide de mes fils, de mes frères, de mes neveux et de mes oncles. Que deviendront alors leurs champs et leurs bêtes ? Tout deviendra très cher.

Je vous assure que j’ai pensé à vous être le plus agréable et le meilleur marché possible. Mais c’est là mon dernier mot, señor, verdad, última palabra, deux pesos pièce les mille et quatre pesos pièce les dix mille. »

L’Américain discuta et marchanda avec l’Indien la moitié du jour, essayant de lui faire comprendre qu’il s’agissait d’une erreur de calcul. Il se servit d’un épais bloc-notes tout neuf qu’il couvrit de chiffres feuille après feuille pour prouver à l’Indien combien il serait en mesure d’accroître sa fortune en faisant un prix de quarante centavos la pièce, et comment on comptabilise les frais, le prix de revient des matériaux et les salaires.

L’Indien observait les chiffres avec admiration, il lui semblait prodigieux que l’on pût aussi vite aligner des chiffres, les additionner, les diviser et les multiplier. Mais au fond, cela ne l’impressionnait guère, car il ne savait lire ni chiffres ni lettres, et le seul bénéfice qu’il retira de la subtile conférence à haute signification économique de l’Américain fut d’apprendre qu’un homme est capable de parler pendant des heures pour ne rien dire.

Lorsque l’Américain crut avoir convaincu l’Indien de son erreur de calcul, il lui tapa sur l’épaule et demanda : « Alors, mon cher ami, quel prix me faites-vous ?

– Deux pesos pièce pour mille et quatre pesos pièce pour dix mille. » L’Indien s’accroupit de nouveau avant d’ajouter : « Il faut maintenant que je me remette au travail ; excusez-moi, señor. »

L’Américain s’en retourna à New York furieux, et tout ce qu’il put dire au négociant en chocolat pour se libérer de son contrat fut : « On ne peut pas traiter d’affaire avec les Mexicains, il n’y a rien à tirer de ces gens-là. »

C’est ainsi qu’il fut épargné à New York d’être submergé de milliers de ces petits chefs-d’œuvre si charmants.

Et c’est ainsi qu’il fut possible d’éviter que ces merveilleux petits paniers, où un paysan indien avait, avec une habileté sans pareille, tissé le chant des oiseaux qui l’entouraient, les somptueuses couleurs des fleurs qu’il contemplait chaque jour dans la brousse, ainsi que les chansons inédites qui résonnaient dans son âme, finissent déchirés et chiffonnés dans les poubelles de Park Avenue, après avoir perdu toute valeur une fois croqués les chocolats.

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à suivre


LA MEDIATHEQUE

19 mars 2009
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